3 - 4 semaines plus tard, je continue toujours de pleurer tous les jours...
Moi je m’appelle Sophie, j’ai 36 ans. Aujourd’hui, j’ai une petite fille qui a un an et demi. J’aime faire plein de choses dans la vie. J’aime chanter. Je chante beaucoup. Je chante dans une chorale semie pro. On a un chef de chœur pro qui nous donne des partitions bien difficiles à déchiffrer, écrites il y a longtemps, et des pièces de compositeurs contemporains pour lesquelles on passe commande spécialement pour notre chorale. Ça donne des trucs un peu farfelus parfois, mais ce qui est sympa c'est de se dire que l'on fait connaitre de jeunes talents en chantant leurs oeuvres. C'est rigolo, on a, à notre concert, le compositeur qui écoute pour la première fois son oeuvre chantée, en vrai. C'est assez fou. J’aime aussi faire du sport, de la gym suédoise, et je me suis mise récemment à la couture... voilà, un truc un peu old fashion, mais qui satisfait mes dix doigts.
Vie d'avant et déclencheur
Avant d’avoir ma petite fille, qui du coup a un an et demi je disais toute à l’heure, j’étais un peu la célibataire qui fait plein de choses. J’étais toujours en train de faire dix mille trucs, soit de donner des cours de sport, soit de faire ma répétition de chorale, soit d’aider un copain à déménager, soit d’organiser un dîner pour recevoir des copains chez moi. Toujours en train de faire un truc, jamais un moment de répit. Là où je me suis rendue compte que, que ça n’allait plus, c’est venu de... je me suis rendue compte que j’étais plus capable de décider des choses. Peut-être que la naissance de ma fille et cette dépression post-partum qui a suivi, ce n'est peut-être pas uniquement à cause de cette naissance, mais peut-être aussi à cause d'autres choses que j'ai pu vivre avant. Et d'ailleurs, aujourd'hui, je continue de creuser le sujet car de fait, je ne suis pas bien certaine de qu'est ce qui a généré ce qui a suivi cette naissance. Est-ce que c'est un manque de confiance en moi, qui date d'avant ? Ou est-ce que ce sont vraiment les faits, le poids que l'on reçoit en devenant maman et de se dire "je dois m'occuper de cette petite personne qui fait partie de ma vie aujourd'hui"? C'est vraiment difficile de faire la part des choses... Peut-être que la naissance, c'est un effet catalyseur d'autre chose qu'il s'est passé avant.
3 - 4 semaines plus tard, je continue toujours de pleurer tous les jours
J’étais avec un garçon depuis presque un an quand je suis tombée enceinte, alors que c’était pas prévu.
Ma sœur m’a dit, "oh inconsciemment, c’est que tu l’as voulu". Alors peut-être qu’elle a raison. Certainement même, parce qu’aujourd’hui, je suis bien contente d’être maman... mais sur le moment, je l’ai vécu comme un électrochoc. Et puis du coup, ce garçon avec qui j’étais en couple, lui non plus n'était pas du tout prêt à cette démarche-là. Pourtant, lui à ce moment avait 40 ans et moi 35, donc, on était à des âges et des situations de vie dans lesquels on pouvait envisager sereinement l’arrivée d’un enfant, contrairement à deux petits jeunes de 16 et 17 ans qui sont encore à l’école. Donc, les circonstances étaient, sur le papier en tout cas, plutôt favorables. Mais finalement, il a choisi de ne pas s’investir, ni dans la grossesse, ni auprès de ce petit bébé... donc j’ai vécu le deuxième trimestre et le troisième trimestre sans ce garçon, mais très entourée de ma famille qui n'habite pas à proximité géographique mais qui est très présente.
Naissance et premières semaines
Le jour où ma petite poulette est arrivée, j’étais chez mes parents. C’est ma maman qui m’a accompagnée à la maternité et qui m’a tenue la main pendant que je poussais et qui a récupéré (...) à la sortie de mon ventre... quelque part c’est elle qui l’a eu en premier, même avant moi. Et quelque part, on se dit, ça y est, elle est là... ça y est, ce bébé est là, wow, j’en suis responsable. Là, je suis obligée de faire une pause dans ce que je dis, parce que je re-réalise quotidiennement ce que c’est que d’être maman, d’avoir une petite fille qui m’attend tous les soirs à la crèche et qui quand elle me voit arriver, trépigne et cavale dans mes bras... c’est... c’est fou.
4 - 5 jours à la maternité, je ne les ai pas très bien vécus, parce que physiquement, c’était très difficile. Donc pour celles qui connaissent les désagréments des naissances, déchirures, points de suture, oedèmes... c’est vraiment la partie pas glamour de l’accouchement... qu’on vous explique pas d’ailleurs, avant d’y arriver, parce qu’on a pas envie de vous faire trop peur, et puis parce que de toute façon, on est obligé de faire avec donc pourquoi trop en parler?
Et puis aussi, je m'étais dis "ah, je voudrais essayer d’allaiter et puis bah si ça marche pas, je passerai au biberon", et cet allaitement ne s’est pas bien mis en place du tout, et ça m’a fait hyper stresser au début de me dire que je n’y arrivais pas, que déjà là, dès le début, je n’y arrivais pas. Et ma sœur, qui m’a rendue visite à la maternité, m'a dit "mais tu sais, c’est ta première décision de maman, c’est le premier choix que tu fais, mais c’est à toi de le faire". Cette phrase-là, je crois que ça va rester dans ma mémoire longtemps. Eh ben oui, c’était mon premier choix, ma décision, et que je devais prendre toute seule parce que j’avais pas de papa avec moi.
Pendant ces 5 jours-là, j’ai beaucoup pleuré. Bon apparemment, j’ai un peu inquiété les auxiliaires de service qui m’ont dit "ça serait bien si on faisait passer le service d’accompagnement en périnatalité, parce que je pense que ça vous ferait du bien". Moi, j’ai toujours été un peu anti-psy en général, de façon assez idiote hein, et très irrationnelle. Mais je me suis dit oui, peut-être que ce serait une bonne idée. Je prends mon bébé, je rentre chez moi. C’est mon papa qui vient me chercher à la maternité.
Et là, j’ai vécu les fatigues physiques les plus dingues que j’ai jamais connues. Comme toutes les mamans. Et à chaque fois, je me dis, "je suis tellement fatiguée". J’ai soit ma maman, soit ma soeur qui me disent "tu sais, on l’a vécu aussi et on sait ce que c’est, t’inquiète pas c’est normal et t’inquiète pas ça va pas durer". Quelque part, je ne les crois pas, je me dis "non, moi c’est spécial". En fait, non c’est pas du tout spécial.
3 - 4 semaines plus tard, je continue toujours de pleurer tous les jours en me disant "je ne vais jamais y arriver". A ce moment-là je crois que maman et ma soeur se sont dit "hum, va peut être falloir qu’on fasse quelque chose". C’est elles qui m’ont botté le cul et tenue la main pendant tout ce temps-là. Faut dire aussi que j’ai accouché le 15 février, soit pile un mois avant le 1er confinement. Donc évidemment que l’aspect général extérieur n’a pas aidé à prendre du recul sur la situation... C’est conjoncturel, n’empêche que ça joue vachement dans l’état général quoi. Mais je continuais de pleurer, de pleurer, de pleurer, de pleurer.
Sentiment de perte de contrôle
Et est-ce-que c’est parce que moi je pleurais beaucoup que ma fille s’est mise à pleurer beaucoup ? où l’inverse... Je ne sais pas vraiment. Mais il y a pas mal de petits bébés qui font "des crises du soir" on va dire, je ne sais pas comment ça s’appelle exactement, mais des pleurs de décharge. Elle pouvait pleurer deux heures non-stop quand bien même elle était dans les bras de quelqu’un. Et ça, ça me mettait en stress pas possible. L’autre truc qui me mettait en stress c’était quand elle finissait pas un biberon à l'heure où j’avais prévu, où il fallait qu’elle le prenne parce qu’il faut prendre toutes les 3h puis toutes les 4h.. J’étais tellement omnibulée par le respect sacro-saint de toutes les 3 heures, pas 2 heures et demi, pas 3h et demi parce que sinon tu comprends ça va pas aller... Je n’arrivais pas à lâcher prise sur le fait que je ne maîtrisais rien. Pour moi, ce n’était pas possible. La non maîtrise, c’est mon angoisse.
Trouver de l'aide
Mes copains de là où je vis me connaissent comme un monstre de la logistique. Si il y a un déménagement à organiser, je sais faire. Un coffre un peu bizarre à charger, je sais faire, parce que j’ai la maîtrise sur les choses. Sauf que là, c’est pas une chose, c’est une personne. Et moi aussi je suis une personne, et j’ai pas la maîtrise sur moi-même. Donc j’ai fini par rappeler la psychiatre du service périnatalité de la maternité où j’ai accouché, qui du coup m’écoute expliquer que je pleure tout le temps, que je suis super fatiguée que j’ai l’impression que je vais jamais pouvoir rentrer chez moi à Lille avec mon bébé, et que je vais rester tout le temps chez mes parents parce que je serais pas capable de me débrouiller toute seule.
Et elle me redit la même chose que ce que me disent ma maman et ma soeur, sauf que elle c’est une professionnel du sujet, donc par définition je la crois plus volontiers... Elle me dit "mais tu sais les deux trois premiers mois c’est vrai que c’est dur, mais ça va changer après". Je dis "ah bon, mais je crois pas, je ne vais jamais y arriver"... Elle m’a proposé de démarrer un traitement d’antidépresseurs, je me dis bon je ne suis pas très pour les médicaments, mais un petit coup de pouce chimique, après tout pourquoi pas. Mais sur le moment, elle ne pose pas de diagnostic, elle ne m’explique pas ce qui m’arrive. Alors j’ai bien ma petite idée, mais on n'a pas posé de mots. Et puis, deux-trois mois après, ma petite poulette a trois mois et demi. C'est la fin du premier confinement. C’est aussi la fin théorique de mon congé maternité. Donc là hop on se secoue, on prend ses cliques, ses claques, on charge la voiture et on remonte, on rentre pour aller travailler.
Reprendre sa vie en main
A ce moment-là, j’étais contente de rentrer parce que j’avais besoin de gérer ma vie toute seule, j’avais besoin de refaire ça. Puis bon, accessoirement, deux mois complets de confinement avec ses parents, sa soeur, son beau frère, leurs deux enfants, l’autre petite soeur... ça faisait beaucoup, tout le temps, alors que ça fait déjà 10 ans que j’habite toute seule chez moi. Donc, même si le fait d’avoir de la compagnie a du bon, même de l’excellent, parce qu’on prend du relais, parce qu’on peut faire des choses ensemble plutôt que d’être toute seule chez soi, en plus il a fait super beau, donc on était dehors tout le temps... il y a eu des choses biens, mais j’étais contente de rentrer chez moi, et puis surtout de retrouver mes copains avec qui je n’avais pas discuté depuis longtemps, qui n'avaient jamais vu ma petite poulette. Donc, j’étais trop contente de rentrer.
Allier vie personnelle et vie professionnelle
J’appréhendais vachement de reprendre le boulot, parce que j’ai toujours été peut-être trop investie dans les différents jobs que j’ai eu. Je ne suis pas du genre à mettre des limites horaires, et ce n’est pas bien de faire ça. Du coup, je suis rentrée dans un boulot où j’avais autant voire plus à faire qu’avant d’être maman, avec beaucoup moins de temps disponible pour le faire. Donc, ça, ça a été dur, et je continue d'ailleurs de peser le pour et le contre entre la vie pro et la vie perso même un an après avoir repris le boulot. Pendant ce temps-là, je continue à prendre mon traitement d’antidépresseurs tous les jours. D’avoir des rendez-vous pour le coup téléphonique avec mon psychiatre de là où j’ai accouché pour qu’elle me fasse un peu un suivi à distance. Je n’imaginais pas prendre contact avec des praticiens de ma ville, parce qu’elle connaissait trop bien ce qui m'était arrivée, et aussi très bien ma famille parce qu’il se trouve qu’elle a fait ses études là où nous, on a fait nos études. En plus, on se connait à titre perso. Donc, elle avait une connaissance de mon environnement familial, qui m’aidait à ne pas devoir tout lui expliquer. Il y a des choses qu’elle captait tout de suite.
Je reprends le boulot, je me dis c’est dur de toujours courir entre la logistique du quotidien, l’envie de faire bien son boulot parce qu'on a envie qu’il reste intéressant, l’envie de passer du temps avec son bébé et pour autant l’âge le plus jeune, c'est pas celui qui est le plus épanouissant en terme de contact. Enfin, à titre personnel, je trouve. Il y a des mamans qui fondent devant les nourrissons, moi ça me touche pas vraiment, sauf parce que c’est la mienne. Je préfère mille fois l’âge qu’elle a maintenant, je trouve que c’est beaucoup plus rigolo. Et... pendant tout ce temps-là, je continue mon traitement d’antidépresseurs. Je passe un été un peu pourri parce que beaucoup de boulot, pas de mode de garde donc du télétravail avec maman qui me rend service. Toujours bien les mamans, elle est toujours disponible mais elle ne comprend pas le temps que j’accorde à ce travail quoi.
Brasse coulée et bouée de sauvetage
Si je devais mettre une image sur cette année et demie écoulée, allez peut être même un peu plus si tu comptes la grossesse célibataire...
Je te dirais que la grossesse, c’était au top, parce que c’était une grossesse physiquement qui allait hyper bien. J’étais hyper en forme. Je me trouvais au top. J’avais une belle peau. Ça fait partie des effets possibles de la grossesse! Franchement, je serais bien allée draguer en boîte à ce moment-là, mais avec un gros bidon c’est pas évident. Donc ça, c’était la petite nage tranquille dans l’océan. Après je suis passée en mode brasse coulée, en tentative de surnage quand ma petite poulette est née. Les trois premiers mois au moins, c’était vraiment la brasse coulée quoi, littéralement, avec parfois vraiment la sensation de boire la tasse. Et du coup, la petite respiration bouée de sauvetage de l’antidépresseur, qui même si j’étais contre le principe du médicament.. je me dis non... mais il faut prendre la bouée qui est disponible parce que sinon tu vas vraiment vraiment vraiment boire la tasse et tu vas pas te relever.
Et du coup, là aujourd’hui, je dirais que j’ai rejoins le bord de la piscine... euh du coup, je surnage mais je suis pas quand même prête à ressauter dans le grand bain quoi. Je ne me sens pas encore à l’aise dans tout ce que je fais au quotidien pour me dire "tiens, si je rajoutais quelque chose dans mon agenda". J’ai encore besoin plutôt d’en enlever. Mais de quel côté je dois en enlever? C’est ça la question.
Donc aujourd’hui, là je suis en mode: j’aime bien le contenu de mon boulot et je suis très reconnaissante vis-à-vis de ma boîte parce qu’ils ont choisi de m’accompagner pour que je me ré-épanouisse dans mon boulot en me proposant un coaching qui démarre là, ces temps-ci d’ailleurs... mais ils m’en demandent quand même une partie que je suis pas sûre de pouvoir ou de vouloir fournir, parce que j’ai envie de pouvoir faire autre chose que bosser. Et là, l’année écoulée, c’est sûr que pas de sport, pas de chorale parce que confinements successifs ou couvre feu, bah en fait c’est chiant de rien faire, de rien faire d’autres que de travailler. Donc moi j’ai besoin de faire autre chose, et du coup, ce n’est peut être pas temps la suite de la dépression post-partum que le contre-coup, comme tout le monde, de ce confinement de… je vais m'auto-censurer sur ce que je pense de ce truc. C’est vrai que c’est lourd, mais tout le monde en a ras-le-bol. Donc, je ne sais pas quelle est la part des choses entre les deux.
Importance des activités thérapeutiques
La gym suédoise, qui était mon sport, je donnais même le cours de sport, c’est un truc qui vient de Suède comme son nom l’indique, et le but du jeu, c’est de travailler tous les groupes musculaires, depuis les cuisses, les fesses, les abdos, jusqu’au bras, l’arrière des bras aussi, quand on fait des pompes, du gainage, de la coordination de mouvement, du cardio... et le concept de ce sport, tel qu'il nous est décrit en formation, tout est accès autour de ce qu’ils appellent dans le jargon "la joie du mouvement". Ceux qui aiment danser, ils vont peut-être pas mettre le même nom dessus, mais je pense que c’est ce qu’ils vivent. La joie du mouvement, c’est juste le fait de bouger, ça génère un truc, une sensation de bien-être... on y va de temps en temps avec des pieds de plomb en disant "pfoulala j’ai vraiment pas envie d’enfiler mes baskets", et le simple fait d’être sur un terrain de sport avec d’autres gens, et de faire ça sur des musiques qui ont été choisies pour être joyeuses et entraînantes, on ressort pas dans le même état d’esprit... ça me manque à fond. Pareil, la chorale, c’est... c’est vitale, en fait. Moi j’en ai besoin, j’ai besoin d’entendre des choses vibrer ensemble, chanter toute seule sous la douche, ça n’a aucun intérêt. Chanter ensemble, en polyphonie, sous la direction de quelqu’un qui réussit à nous faire sonner "une couleur particulière", c’est les mots qu’elle emploi notre cheffe de cœur, "ah ça une belle couleur ce que vous me faites"... c’est... c'est vital. Et on le retrouve enfin, alors peut-être que ça va m’aider à replonger dans le grand bain.
Un an plus tard... poser des mots sur les maux
Et quand je disais que je nageais la brasse coulée... Bon, à un moment donné, j’ai commencé à renager la brasse tranquille sans qu’elle soit coulée, parce qu'on a réagencé entre autre, avec mon patron, ma charge de travail, c’est en ça aussi que je les remercie.
Je me suis dit "ok bah maintenant que je ne suis plus en brasse coulée, je vais essayer quand même de rejoindre le bord du bassin pour me reposer un peu... et puis un peu faire le tour de ce qui m’était arrivé". Et puis du coup, je l’ai rappelé la psychiatre du service périnatalité en lui disant "écoute voilà, ça fait bientôt un an que je suis sous antidépresseurs, j’ai décidé entre autre que ce traitement ait une fin à un moment donné, alors pas forcément maintenant, mais je veux que tu me dises quand on peut l’envisager et quelles sont les conditions pour l’arrêter. Et aussi j’aimerai que tu me mettes un nom sur ce que j’ai vécu cette année". Et ça, je l’ai fait seulement au bout d'un an. Parce que j’avais décidé que je n’avais plus envie d’être comme ça, je pense.
Mais entre deux, du coup, j’ai eu de l’aide de ma maman, parce qu’elle m’a toujours aidé à gérer ma poulette pendant que j’avais pas de mode de garde, et puis bien sûr de longues conversations au téléphone. J’ai eu mes copains à Lille qui m’ont invité à dîner, proposé de garder ma fille le temps que je fasse autre chose... parce que jeunes parents aussi, et sachant pertinemment le besoin de souffler une fois de temps en temps, eux peuvent compter sur le conjoint respectif et du coup, ils savent très bien que si ils m’offrent ce temps, je serais la plus heureuse, et ça fait du bien. Bah alors, à certains moments, je me dis, ben non j’en ai pas besoin, je peux l’emmener avec moi. Et de fait, on peut faire plein de choses avec un bébé, je pourrais même dire qu’on peut tout faire, mais est-ce que c’est fun pour ce bébé en question. Pas toujours... même si elle a été hyper cool.
Se laisser entourer, c’est ce qu’il faut faire mais ce n’est pas le plus facile. Et cet effet confinement/couvre feu fait peut-être partie des raisons pour lesquelles ça a pris plus de temps que ça n’aurait dû pour se remettre à flot et rejoindre le bord du grand bain, pour filer la métaphore jusqu’au bout.
Ce sport, si j’avais pu le reprendre, certainement que je l’aurai repris, mais cela dit, on le reprend pas tout de suite après la naissance en général, donc, quand bien même, et puis je pourrais faire du sport depuis chez moi, comme tout à chacun avec un coach en ligne, pourquoi pas mais... moi faire ça toute seule chez moi, en fait je ne vois pas l’intérêt. Je pourrais, pour me donner une hygiène de vie, si je savais que ça devait durer encore deux ans... attention je croise les doigts pour que ça n’arrive pas mais, peut-être que du coup je m’obligerais à une espèce de routine un peu paramilitaire. Mais là, comme on espère tellement que ça va changer, et c’est en train de changer d’ailleurs, on se dit maintenant je vais pas m'obliger à faire un cours à l’intérieur, chez moi, dans mon petit appartement, quand dans deux semaines, je vais pouvoir remettre le pied sur le gym floor. Sauf que ça ne vient toujours pas.
Importance de l'entourage
Je sais pas si j’ai vraiment compris moi-même qu’il y avait un gros truc, je pense vraiment que c’est plus de voir ma maman et ma soeur s’inquiéter pour moi et me dire qu’il fallait que je fasse quelque chose... que moi vraiment. Et, par toutes les questions que cette psychiatre a pu me poser, en mode ouvert, quand bien même je suis sûre qu’elle connaissait déjà les réponses... c’est le fait de dire tout haut comment je me sentais qui m’a fait réaliser des choses mais... on est pas tous formé pour faire cracher le morceau à quelqu’un en fait. Donc, ma maman et ma sœur, aussi bienveillantes qu’elles puissent être et me connaissant mieux que personne, c’est pas forcément les mieux placées pour me faire réaliser les choses, en fait. Puis bon, peut-être que je suis un peu butée et têtue, et que j’ai besoin de l’entendre de quelqu’un d’autre que quelqu’un de ma famille aussi.
La présence-absence du père biologique
En parallèle de tout cet effet hormonal, il y a aussi la présence ou devrais-je dire l’absence du papa biologique de ce bébé, que j’ai mis au courant de la naissance bien-sûr. Il savait que j’étais enceinte, j’allais pas ne pas lui dire que j’avais accouché, ça n’avait pas de sens. Mais le fait qu’il ne réagisse que très peu, ça me met hors de moi en fait, je suis en colère. Et en discutant avec cette psychiatre de cette situation, elle me dit "mais en fait qu’est ce que tu voudrais lui demander si tu le voyais?". Ah ben je voudrais savoir ça, ça et ça. Elle me dit, "mais ok, mais demande lui en fait, parce que si ça te met en colère, et que ça t’empêche de passer à autre chose, il faut donc que tu obtiennes les réponses".
Je ne me voyais pas l’appeler, parce qu’il faut savoir aussi que ce papa et moi on ne parle pas la même langue maternelle, donc on se parle en anglais. Donc, c’est un petit peu délicat d’aborder des sujets aussi sensibles dans une langue qui n’est pas notre langue maternelle. Donc, du coup j'ai choisi de lui envoyer un mail, comme ça, du coup, il pouvait réfléchir tranquillement à ce qu’il voulait répondre. Et je lui ai posé 3 questions.
Alors, je vais les résumer parce que je n'ai pas tourner les phrases comme ça mais...
Première question: est-ce que quand même, tu m’as aimé un peu ? parce que quand même on a conçu un bébé quoi, voilà.
Deuxième question: est-ce que tu comptes t’investir, et si oui comment ?
Troisième question: est-ce que tu en as parlé à quelqu’un ? parce que, que tu le veuilles ou non, tu es son père biologique et si il t’arrive quelque chose, j’aimerai savoir que quelqu’un va m’en parler pour que je puisse dire à cette petite fille ce que son père est devenu.
Et, il n’a répondu qu’à la première question. Et aujourd’hui encore, elle a un an et demi, j’attends toujours la réponse aux deux autres questions.. Et il m’a dit "bah, probablement que je t’aimais pas assez". Bon ça je m’en doutais un petit peu, la question était rhétorique et en même temps j’aurais voulu qu’il me le dise plutôt que j’ai besoin de lui poser la question en fait. On a pas eu cette conversation de rupture qu’on aurait dû avoir pour passer à autre chose. Et donc sur les deux autres questions, j'attends encore, mais je n’ai jamais été aussi proche d’avoir les réponses puisqu' il nous rend visite quand même tous les 15 jours depuis qu’elle a un an. Ça, c’est une petite réussite quand-même dans tout ce bazar. Alors, il ne l’a pas reconnu au sens légal du terme, et de façon assez bizarre, moi ça m’arrange, parce qu'au moins on a pas de droits partagés. Donc ça simplifie les choses. Moi je suis très heureuse pour ma petite fille qu'elle puisse savoir qui est son père et je suis très heureuse pour lui qu'il puisse la connaître parce que en toute objectivité, elle est beaucoup trop mignonne. La première fois qu’il est venu, je lui avais dit, tu sais, y’a ton papa qui va venir, tu l’as jamais vu, c’est le monsieur qui a mit une graine dans mon ventre. Je savais pas trop comment lui expliquer. Bon, elle a un an à ce moment-là. De ce que j’ai vécu, je sais qu’elle comprend tout mais avec quels mots je dois lui expliquer, ça c’est vachement difficile. Et, alors autant elle est assez cool, avec toutes les personnes qui peuvent passer nous rendre visite, les copains, les copines, quand je l'emmène quelque part, elle rigole avec les gens, pas de problèmes. Autant là, quand il est venu, elle m’a fait le coup de se cacher dans mes bras.. mais pendant longtemps. Je pense qu’elle a vraiment compris qui c’était. Et puis aussi, je lui avais montré des photos avant en fait.
Il lui a fallu attendre la troisième visite pour qu’elle consente à bien vouloir aller dans ses bras. Et là, ce jour-là, il a complètement craqué, ça se voit en fait, ça se sent, ça se lit sur son visage, ça s’entend dans sa voix… Donc les deux autres questions que je lui ai posées, et pour lesquelles j’ai toujours pas vraiment de réponse... c’était veux-tu t’investir, si oui comment et en as tu parlé à quelqu’un? Il en a parlé à quelqu’un, ça y est, mais à un de ses amis de très longue date mais absolument pas à sa propre famille, dont une sœur jumelle. Ça reste quand même... enfin, c'est juste dingue de se dire qu'un mec de 40 ans qui était en couple depuis un an, qui m’avait dit en plus, "je compte bien avoir des enfants un jour", alors on n'avait pas dit que ce serait ensemble, on en était pas là, mais qui m’a dit je veux avoir des enfants un jour, bah quand tu as 40 ans et que l’occasion se présente, de façon assez logique, tu te dis pas je me barre en courant. Tu peux envisager qu'il soit présent sans vouloir être en couple avec la maman, oui pourquoi pas, et ça arrive à plein de gens, j’en connais d’autres histoires comme ça. Mais qu’il se barre en courant sans donner de nouvelles, ben alors là j’ai trouvé ça dingue. Je pense qu'il a tellement la trouille d’expliquer ça, à sa sœur jumelle, qu’il attend, il attend. Et, plus il attend, pire ça sera. En tout cas je pense qu'il est pas très fier. Et, je lui ai dis mille fois, "tu sais si ta famille est bienveillante comme je crois qu’elle est, ils auront peut-être un petit temps pour absorber la nouvelle, peut-être qu’ils vont te poser la question sur pourquoi tu es parti, et il faudra et tu aies la réponse, mais, je ne vois pas pourquoi ils t’en voudraient ça n’a pas de sens".
Et sur la question de "est ce que tu veux t’investir et si oui comment?", et bien j’ai les faits qui parlent: il est là régulièrement, mais c’est quand lui a envie et quand je peux le recevoir, parce que ça marche pas toujours dans les agendas. Il n’y a pas de récurrences fixes. Il peut se passer 3 semaines sans qu’il ne vienne. Il peut venir deux fois dans la même semaine. Je sais pas si c’est le mieux pour ma fille. Je sais pas ce que je vais lui expliquer sur le pourquoi son papa n’est pas resté à sa naissance. Et d’ailleurs, j’ai dit à son papa tu sais, c’est toi qui devra lui expliquer, parce que moi, je ne suis pas dans ta tête donc je ne sais pas quoi lui répondre. Je peux juste lui dire, et je lui dis depuis qu’elle est née, que tu l’aimes même si tu ne le sais pas.
Prise de perspective sur la maternité et la dépression post-partum
Donc, entre l’aspect physiologique de l’accouchement, l’aspect hormonal, le fait de se sentir dépassé par un quotidien qu’on ne maîtrise pas parce que il y a une nouvelle personne dans notre vie, et cette insécurité autour de la présence-absence du papa... Oui, l'année dernière a été assez dense en émotions. Et je me dis, non mais le petit coup de pouce chimique je vois pas pourquoi on en parlerait pas. Et d’ailleurs, j’ai plein de copines qui sont devenues maman la même année que moi. On s’est fait un groupe Whatsapp, pour se parler de nos petits tracas du quotidien... Ah sa dent, elle perce comme ça, vous croyez que c’est grave, qu’est-ce-que je peux faire pour la soulager, bah des petites astuces... Et je leur ai redit les proportions, puisque que je suis tombée sur un article je sais plus quand, sur les proportions de babies blues et les proportions de dépression post-partum. Mais elles en revenaient pas, en fait, Elles ont dit "ah bon, post-partum c’est 15-20%, plus ou moins appuyé certes, mais ça veut dire une femme sur 5". En fait, on en connait toutes une, voire plus, sauf qu’elles ne l’auront pas forcément dit. Et de faire de ce sujet un espèce de tabou de la maternité, qui se veut le moment le plus ecstatic de ta vie... bah c’est des conneries, parce que c’est dur. Et je veux pas enlever le côté magique quand même de la maternité mais…
Faut bien avoir en tête que cette aventure du post-partum, sans même parler de dépression, c’est quelque chose de très dense à vivre et si on a cette sensation de tristesse permanente... on va pas forcément le voir soi-même, peut-être qu’on va le voir soi-même mais les gens qui nous entourent dans cette nouvelle aventure de la maternité, ils nous voient. Ils voient comment on était avant, ils voient comment on est après, et ils ont envie de mettre le doigt, j’espère pour eux, sur un changement drastique de comportement.
Et moi, je suis très très très reconnaissante auprès de ma maman et de ma soeur, ma soeur qui a pourtant vécu des choses très compliquées en parallèle... chimio, vraiment la totale quoi... et qui ont quand même continué à me dire "mais si ça ira", et de me pousser à m’investir auprès de ma petite poulette en fait parce que j’avais presque envie de les laisser prendre le relais complètement. Et elles m’ont dit, "on te rend pas service si on fait ça. Il faut que ce soit toi qui fasse les choses avec elle, il faut que ce soit toi qui lui donne son bain, il faut que ce soit toi qui lui donne ses biberons, il faut que ce soit toi qui rigole avec elle quand elle fera ses premiers sourires... nous on peut le faire hein, on sait le faire, on est maman toutes les deux, on sait, mais si tu le fais pas toi-même, tu vas le regretter".
Et elle m’ont dit mais non, tu choisis pas comment elle est, tu dois apprendre à vivre avec une personne. Comme d’autres se diraient en fait c’est hyper dur d’apprendre à vivre en couple, bah oui ben c’est aussi difficile d’apprendre avec un bébé, sauf que c'est le sien, et puis du coup on s'apprend mutuellement, et c’est ça qui est génial dans la maternité.
Et, il faut surtout se laisser entourer, et c’est pas le plus simple parce que moi ce qui m’a frappé le plus pendant cette période, c'était cet état de laisser-aller obligatoire qui ressemble pas du tout à mon caractère... mais il faut accepter de lâcher prise en fait. Et le lâcher prise, je ne l’ai peut être pas encore complètement, c’est-à-dire que je cherche encore à maîtriser la quantité qu’elle va manger pour son dîner alors que bah y’a des jours où elle a pas faim. Je cherche encore à maîtriser les jeux qu’elle aime bien ou qu’elle n'aime pas, sauf qu’en fait, c’est elle qui décide, et j’apprends encore à le faire.
Et surtout, ce que je veux faire pour m’épanouir mieux et arrêter de me sentir triste, parce que ça m’arrive encore, c’est de reprendre des choses qui me font du bien comme le sport, la chorale, et de quoi occuper mes dix doigts au lieu de regarder des séries débiles. Donc, pour le coup, j’ai embrayé sur la couture parce que j’ai appris à utiliser une machine à coudre pour faire des masques, ça arrive à beaucoup de gens. Je me suis dit en fait, c’est cool, de pouvoir faire quelque chose de ses dix doigts, et c’est hyper satisfaisant de produire un truc.
Donc là, je suis en mode pleine réflexion de comment je vais équilibrer le professionnel et le personnel, pour ne pas faire que bosser mais en gardant un job intéressant, et pouvoir faire autre chose pour moi et pour être mieux après, quand je retrouve mon bébé. Et, je suis en train de le faire. Je suis en train de le faire.
Du coup, je trouve que, le plus important, c’est qu'il faut se laisser aider, se laisser aimer, parce que aider les gens, c’est les aimer. Et pour ça, il faut que les personnes qui entourent les jeunes mamans, que ce soit leur mari, leur frère, leur soeur, ou simplement les copines et qu’elles soient maman ou pas... il faut tous savoir que la maternité, et puis d’ailleurs la paternité (je me demande si il y a pas des dépressions post-partum pour les papas en fait, j’en sais rien), c’est un moment où il faut entourer les personnes qui vivent cette belle aventure. C’est pas parce que il y a plein de gens qui deviennent parents que c’est forcément facile. Au contraire même, il faut tout un village pour élever des enfants. C’est pas pour rien qu’il y a cette expression.
Ce qui est si prenant dans mon boulot aujourd’hui, le contrôle de gestion, donc un métier de la finance en entreprise, c'est que ça demande une précision et une concentration à chaque instant de réunion qu’on peut faire, ça demande d’être hyper convaincant, hyper assertif au moment où on est en réunion, et le problème, c’est qu’on est en réunion tout le temps, et donc on a même plus le temps de réfléchir aux sujets et de préparer les chiffres qu’on veut montrer... donc on est complètement sans filet en permanence. Et finalement, c’est épuisant, et en même temps c’est ce qui est hyper stimulant, c’est-à-dire que c’est tout sauf routinier. C’est le job qui aide le patron d’une boite à prendre les bonnes décisions pour l'avenir économique de son entreprise. Alors on sauve pas de vies, mais potentiellement, on crée des emplois, ou on en détruit... et parfois c’est trop, parce qu’on a envie de pouvoir tout simplement de pas réfléchir de temps en temps, ça fait du bien. Mais dans ce métier là, ce n'est pas possible. Donc faire la balance vie professionnelle/vie personnelle, quand on a envie de garder un métier intéressant, c’est un peu mon challenge du moment.
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Donc j’ai envie puis automatiquement, il y a des pensées qui viennent qui vont contredire cette envie, où je me sens vraiment motivé où dès qu’il faut franchir le pas, j’arrive plus à bouger...
Un de mes « clients », un psychiatre, m’a dit un jour : « à votre voix j’entends que vous n’allez pas bien », il faut consulter.
J'étais fonctionnelle mais tout a changé après la mort de mon mari. La dépression l’a conduit à se suicider. Je me suis retrouvée dans une spirale descendante.
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